Un révolutionnaire se définit par la cause qu'il sert.
Même emprisonnée, torturée, humiliée, on peut atteindre la liberté, si on le veut.
Quand l'icônification de "héros" de mouvements historiques forts finit par annihiler toute nouvelle entreprise du temps présent.

Un documentaire lucide sur la force d'un mouvement populaire tel que le MIR, mais aussi sur ses limites. Le MIR, mouvement fondé au Chili en 1965, milite pour via une révolution populaire pour une société plus juste. Soutien de Allende, il sera entraîné en même temps que le leader chilien vers la mort...Le putsch du 11 septembre 1973, largement orchestré par la CIA (voir l'excellent film de Patricio Guzman, Salvador Allende), entraînera la mort d'Allende à la Moneda, l'arrivée de Pinochet et le début d'une dictature sanguinaire et répressive qui ne prendra fin officiellement qu'en 1990.
Le MIR, dont les liens avec Allende étaient avérés, luttera tout ce temps contre l'oppression, clandestinement à partir du coup d'état. S'ensuivent arrestations, disparitions, exécutions, tortures. Plus de 800 militants du MIR périront ainsi entre 1973 et 1990.
Carmen Castillo revient ici sur un événement majeur succédant à la mort d'Allende : l'assassinat de son mari Miguel Enriquez, alors chef du MIR et principal espoir du peuple chilien face à la dictature de Pinochet. L'assassinat eut lieu le 5 octobre 1974 au 275 rue Santa Fe. L'histoire dit que Miguel Enriquez résista deux heures, seul contre de nombreux militaires. Il réussit ainsi à sauver sa femme, qui témoigne aujourd'hui.

Le documentaire prend la forme de l'hommage bien sûr, comment peut-il en être autrement puisqu'il est mené par les yeux et la voix de celle qui a combattu avec les dirigeants du MIR de l'époque. Mais il ne se transforme pas en éloge posthume, glorification d'un héros. C'est là tout son intérêt. De pointer les errances du mouvement, ce qui l'a conduit à sa dissolution en 1989, ses choix discutables, notamment par rapport à la vie familiale de ses militants les plus engagés. Et point le plus important, il met bien l'accent sur l'importance de laisser le passé à l'Histoire, et de se tourner vers les défis du présent forts des valeurs qui ont survécues à ces femmes et ces hommes morts pour un idéal. Les jeunes militants d'aujourd'hui jugent le passé pesant, où l'on passe plus de temps en commémorations et autres hommages qui coûtent cher et ne servent en rien leur cause. Ils insistent sur leur volonté de mener leur combat, leur lutte pour une société plus juste, mais à leur façon. Sans renier leur passé et leurs illustres prédecesseurs, mais au contraire, en manifestant par leur action leur attachement à des idéaux intemporels, qui n'appartiennent pas à un quelconque héros, à une quelconque icône.

Un très beau début de réflexion sur ces mouvements révolutionnaires. Et une nouvelle preuve que le kaki et les armes sont les pires ennemis des sociétés justes et libres.

Rue Santa Fe (Calle Santa Fe) [Carmen Castillo]

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