Dan Ar Braz [La Cigale - Paris]
Le Quimperois à Paris.
Il parle beaucoup. Pour faire passer son trac dit-il.
S'installe petit à
petit entre les pipes de Ronan le Bars, la basse lancinante de "Marcello", les
claviers, le batteur et un autre guitariste. Profite du micro pour donner sa
vision de la vie, de ceux qu'on oublie sur les trottoirs de nos villes, de ceux
qui ne respectent pas la vie, la leur, celle de leurs enfants, de la Bretagne,
beaucoup, encore, toujours.
1974. Dans l'estafette avec Stivell, première
rencontre avec Rory. L'hymne à Rory Gallagher voit s'envoler la guitare lyrique
de Dan, accompagnée par le uillean pipe. "J'espère qu'il nous entend". 1976.
Fairport Convention. La surprise de se retrouver dans un tel groupe. "L'exil" en
Angleterre, près d'Oxford. C'est lorsque l'on est loin de chez soi que l'on
prend conscience des choses. Premières compositions. Dont ces sublimes Orgies
Nocturnes ("on est dans le quartier", sourit Ronan le Bars), gavotte très
marquée rythmiquement mais si entraînante. "A silent sea round Inishfree
bay"...Left in Peace, suivi de la Duchesse facétieuse. La salle joue des mains
pour accompagner Dan le discret. Il se
risque au chant, au jeu avec le public, première tentative infructueuse sur
cette reprise d'une chanson d'amour accompagnée par le violon chinois, la
guitare répond au public silencieux..."Borders of Salt...Borders of sand..." Où
comment le talent de ce musicien parvient à faire oublier les bagadoù
habituellement associés à ce morceau et aux autres, héritage difficile à
dépasser. Pourtant, il y parvient, avec brio, laissant d'abord le pipe installer
cette sonorité rappelant les thèmes majeurs de l'univers de Dan : la mer, la
terre, la Bretagne, l'Homme, le cri contre l'injustice, la haine, la violence,
la fierté de sa région. Il le laisse s'installer. L'accompagne, puis le seconde,
sa guitare dirige alors les autres musiciens et acquiert une force d'expression
sublime, emplit l'espace, crache son essence. Incroyable de parvenir à cette
prouesse. Les doigts courent sur le manche, parfois sans la main droite,
toujours avec précision et lyrisme. "Amis de Paris, kenavo !". On sent l'homme
ému, voire paralysé par le trac, le public n'a pas répondu à deux chansons où
les instruments murmuraient pour lui laisser la place. Dur.
Retour. La route
vers l'ouest, de Clarisse Lavenant, "celle que l'on va reprendre demain...On est
toujours heureux quand on reprend cette route...Et je me demande toujours s'il
en est de même sur la route vers l'Est, celle qui mène vers Paris...". Puis,
l'inaltérable Green Lands, sur lequel se sont greffées quelques paroles, "pour
éviter que le morceau ne soit récupéré, qu'il nous échappe, c'est arrivé à
certains..." Mélodie imparable, reprise cette fois par le public clairsemé de la
Cigale. Là encore, la guitare se joue d'un bagad et inonde la salle en même
temps que la cornemuse. Dernières notes, final. Les musiciens saluent, Ronan le
Bars présente "Monsieur Dan Ar Braz", la salle est debout. Dan sourit. "Ca va
mieux maintenant". Paris réussi. "On a toujours envie de bien faire, de donner
ce qu'on a de mieux, qu'on soit à Clermont-Ferrand, à Brest, à Paris, ou...à
Pont l'Abbé !" Pas tout à fait rassuré...Nouveau salut.
Green Lands retentit
de nouveau dans les coeurs de la Cigale. Retour enfin détendu, pour un nouveau
morceau écrit par Jean-Jacques Goldman. Enchaînement avec The Broken Prayer,
pour un final en couleur.
Merci bras.
Bravo l'artiste.